L'Immobilier d'Ici
Lise Deharme en 1962
Avec Hélène Rochas
Avec Jean Cocteau
Durant plusieurs années, l’écrivain Lise Deharme accueillit à Montfort, Picasso, Eluard, Dali, Aragon, Guitry, Cocteau... Avant sa mort, elle souhaitait que son château de Montfleury devienne un centre culturel voué au surréalisme.
A  Monfort en Chalosse, la demeure de Lise Deharme,
Comme tous les ans, à cette époque de l’année, le docteur Hitze ouvre  l’immense portail de sa propriété de Monfort. Derrière lui, la petite Lise manifeste son impatience. Précédant sa mère, elle court, jupe au vent,  dans le parc du château, respirant l’air pur de la Chalosse, admirant les gigantesques chênes devant lesquels elle se sent si petite. Elle aime cette vieille bâtisse dans laquelle sa famille vient passer les vacances d’été. Cette passion pour ce cadre enchanteur, dont elle fera, quelques années plus tard, la principale annexe de son salon parisien, ne se démentira jamais... Au fil des ans, la propriété familiale deviendra, par sa magie, un des hauts lieux du Surréalisme.  
 
Les allées du château de Montfleury se souviennent encore  du prestigieux défilé d’invités célèbres. A l’ombre des chênes centenaires, la terrasse de pierre fut le théâtre  d'interminables discussions telles celles qu’eurent  Eluard et Aragon, refaisant le monde devant un verre d’ absinthe.
 
Pour être reçu chez Lise, si on était artiste, il fallait de préférence  être de gauche, surréaliste*  et admirer sans réserve le poète André Breton.
Fuyant la torpeur des étés parisiens, écrivains, peintres, poètes, musiciens, se retrouvent à Monfort, rejoignant là, Lise et Paul Deharme qui leur offrent le calme apaisant de leur résidence, pour mieux les voir ensuite exprimer leurs pensées, leur musique ou leur poésie.
 
Nombreux sont ceux qui, comme  Nush Eluard, l’épouse de Paul, assommés  par la quiétude de la campagne chalossaise, oublient  de se réveiller, n’entendant même pas la cloche qui sonne l’heure du déjeuner.
Lise écrit avec passion, sans interruption, lorsqu'elle "tient" un sujet. La plupart de ses romans* sont nés à Montfort. Elle obtient le prix Sainte-Beuve pour "La porte à coté". Pour ne pas être en reste, André Breton écrit en 1924 " Les Pas Perdus " sous les frondaisons et dans le calme du parc. Philippe Soupault y termine" La rose des vents". En bon voisin, puisqu'il habite aussi Montfort-en-Chalosse, le peintre et poète  Marcel Saint-Martin vient chez les Deharme  parler peinture avec Pablo Picasso ou Salvador Dali.  Il a  une admiration profonde pour Lise, et son poème "Parler d'elle" n'est en réalité qu'une longue complainte pour celle qu'il vénère.
 
Georges Auric compose ses premières musiques de films à Montfleury, et pousse parfois la chansonnette chez Janine Bertille, femme de Marcel Saint-Martin, compositeur elle-même. C’est aussi l’époque où Louis Aragon et Elsa Triolet passent à Montfort. Ils prêchent le communisme et imposent à Lise leur amitié “un peu étouffante”.
 
Lise reçoit également  toute une génération de "Bretoniens" : le  Manifeste du Surréalisme de 1924 est cité comme les Tables de la Loi, et Lise menace de ses foudres quiconque ne comprendrait pas la beauté terrible de cette morale, à la fois sévère et laxiste. Cependant, André Breton, vieil admirateur de Lise , vient bien encore chez elle quelquefois, mais on évoque le nom du Maître plus souvent qu'on ne le voit .
 
En ce début de siècle, les salons "de droite" tels ceux de Marie-Louise Bousquet ou de Florence Gould rivalisent d'invités plus prestigieux les uns que les autres. Chacun fait assaut d'esprit en cette veille de guerre avec l'Allemagne nazie. Parlant des talents d'Hitler comme peintre, Marie-Louise lance : "...il fait de la peinture au pistolet ..." et Florence Gould de répliquer :"... on m'a dit qu'il sait très bien faire les natures mortes..."
 
Pendant l'occupation allemande, alors que la France s'est réfugiée  dans la zone "Non occupée" du Sud, Lise Deharme reçoit en petit comité. On fronde poétiquement dans les allées du château. Dans ses frivoles "Années perdues" elle dévoile le quotidien d'une ville humiliée.  Avec Jean (Cocteau) Bébé (Bérard) Jeannot (Marais) et Marie-Laure (de Noailles), on parle d'un romancier nouveau, un certain Jean Genêt, auteur d'un livre prodigieux, " le roman d'un voleur ".
 
Jean Cocteau est partout. S'il vient à Montfort chez Lise, il va aussi dans la villa cossue de  Florence Gould  à Juan-les-Pins. On raconte également le tour de force de l'éditeur  Jean Denoël, qui, dans la France de Vichy, publie "Le Cheval blanc" d'Elsa Triolet, femme de Louis Aragon, romancière russe, juive et communiste !
 
Ceux qui ont connu Montfleury se souviennent de Salvador Dali, qui n'a pas encore ses moustaches "fantasmagoriques”, de Sacha Guitry ou de Picasso qui adore les haricots  cuits avec des couennes et  en dit, avec son accent  si  particulier : " Yé souis sour que les parisiens y feraient dix heures dé métro pour mancher des zaricots  comme ça ..."
En Juillet 1949, de retour du Festival du Film Maudit de Biarritz qu'il présidait, Jean Cocteau viendra une fois encore se reposer chez Lise l'enchanteresse. Jean Marais en conservera un souvenir extraordinaire  et en parlera souvent.
 
Les témoins de ce défilé glorieux disparaîtront les uns après les autres, entraînant dans le sillage de la mort le déclin du château.
Lise souhaitait que Montfleury devienne un centre culturel voué au surréalisme. Pour des motifs futiles à ce propos, elle se fâcha avec sa fille Yacinthe, et sa donation en faveur de la commune fut annulée dans les années 70.
 
Lise Deharme est morte en 1980. Elle a été incinérée au Père Lachaise, mais, curieusement, il semble que ses cendres aient disparu de ce cimetière entre 1980 et 1988 ! Une recherche a été faite, en 1988, par une universitaire anglaise, Mrs. M.C.Barnet de Milford-on-Sea (England), pour connaître les raisons de cette disparition, mais la réponse du Secrétariat, responsable de la tenue des sépultures, fut  très évasive et d'une indifférence coupable.                    
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