Le visiteur curieux qui irait flâner dans le cimetière de Montaut, serait surpris de découvrir une tombe avec écrit sur la sépulture « Gaston, Comte Léon, Petit-fils de Napoléon Ier repose pour l’éternité ». Seuls quelques férus d’histoire ont connaissance que la dépouille d’un descendant de l’empereur repose en Chalosse. Pourtant en 1937, le journal Paris-Soir titrait un article en première page « le petit-fils de Napoléon vient de mourir dans les Landes ». Nice-Matin reprenait également cette information dans ses colonnes, plus tard c’était l’Illustration qui lui consacrait un article.
Le 12 décembre 1806, au n° 29, rue de la victoire, naissait un enfant de sexe masculin, qui fut déclaré sous le nom de Léon, fils de Mlle Eléonore Deruelle de la Plaigne et de père absent. Ce père absent était Napoléon I, il fut averti de sa paternité à Pultusk, le 31 décembre. De suite, il donna des ordres pour assurer l’avenir de l’enfant.
Eléonore de la Plaigne née à Saint Germain-en-Laye en 1780, était une ancienne compagne de pension de Caroline Bonaparte, la plus jeune des sœurs de l’empereur. A la suite d’ennuis conjugaux, la princesse devait la recueillir et en faire sa lectrice. Eléonore, âgée de 21 ans, était une belle créature brune, bien faite. L’empereur vit chez elle une conquête facile, la jeune fille se rendit de nombreuses fois aux Tuileries. Ce fut une amourette, sans grande passion, rien de comparable avec la liaison, entre Napoléon et Marie Walewska.
Après avoir annobli l’enfant, Napoléon constitua une fortune indépendante à la mère et à l’enfant. En 1817, ce dernier reçu 12 000 livres de rentes et 100 000 en actions de canaux. A Sainte-Hélène, il ajouta un nouveau legs. Plus tard Napoléon III lui accorda une rente de 60 000 francs et paya de nombreuses dettes de jeu accumulées par son cousin. Car le comte Léon mena une vie dissolue : histoires financières embrouillées et compliquées, dettes de jeu considérables, duels… Ce bohème, désaxé social, aiglon tombé du nid, allait mourir, dans la misère, le 14 avril 1881 à Pontoise. Au point que ses voisins durent payer le cercueil et il fut enterré dans la fosse commune.
D’une liaison avec une ouvrière Françoise Jonet, le Comte Léon eut trois enfants : Charles, Gaston et Fernand. Ses trois fils s’élevèrent dans la vie par leurs seuls moyens. Charles s’occupa d’affaires industrielles et de voies ferrées au Venezuela, il mourut à Caracas en 1894 où un monument fut érigé à sa mémoire ; Fernand a beaucoup voyagé, il est mort en 1918.
Enfin Gaston, Comte Léon, est né à Paris le 1er Juin 1857. C’est par un mariage tardif qu’il allait devenir citoyen de la Gascogne. Peu fortuné, il fit de solides études puis s’est occupé pendant de nombreuses années de placement de dictionnaires. Ce fut un employé modèle. Lors de son décès la direction des Editions Larousse devait écrire à sa veuve : « Nous avons toujours apprécié la parfaite honorabilité et l’entière correction en affaires de votre regretté mari…»
C’était un homme brave, discret et modeste, bien que parfois les gens le trouvaient un peu bizarre, lorsqu’il restait assis des heures sur une pierre à contempler la mer des pins. Peut-être songeait-il que né petit-fils de l’homme qui fit trembler l’Europe, son destin aurait pu être différent ? Il devait décéder à l’âge de 70 ans. Ses obsèques furent de «première classe». Il y avait là le maire et tous les habitants du village et même des environs. Car on connaissait et appréciait le petit-fils de Napoléon. Cet hommage fut peu-être là son plus beau titre de gloire posthume.